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Le grenouillage en entreprise

En entreprise, grenouiller n’est pas jouer

À peine le dirigeant pénètre dans la salle de réunion que son visage s’adoucit et sa voix se teinte de miel. Vous l’avez reconnu ? Ce collègue flagorneur et courtisan qui ne vit que d’intrigues, de manœuvres et de compliments favorables à son avancement. Fayot ou lécheur, le grenouilleur brouille les voies de la promotion naturelle et systémique. Héritage direct de la méritocratie et des organisations hiérarchiques, le grenouillage en entreprise amène rivalités et jalousies au lieu de performances collectives et esprit d’équipe. Si l’héroïne de La fontaine creva tant elle s’enfla, qu’en est-il de notre requin des temps modernes ? Courage et confiance, l’avenir appartient à ceux qui ne grenouillent pas. La preuve !

Le grenouillage en entreprise

Grenouiller ou jouer les people pleasing

Peut-être le terme « grenouiller » vous surprend-il ? Issu du monde des intrigues et de la politique, il tient une vraie place dans l’entreprise. Le grenouilleur, autrement nommé lèche-bottes ou arriviste, est généralement un yes-man. En effet, pour plaire à sa hiérarchie, il reste dans la confirmation et ne contredit jamais son supérieur. Tous les moyens sont bons pour obtenir un meilleur poste, gravir les échelons. Sa soumission et son soutien à son boss prévalent sur son travail et ses performances. Pourquoi travailler dur et monter en compétences quand fayoter suffit ?

Pour autant, la présence de grenouilleurs dans l’entreprise reflète une gouvernance verticale et de méritocratie. En 2014, Frédéric Laloux, dans son livre Reinventing organisations, parle de paradigme rouge. Un système organisationnel où le leader exerce un pouvoir de prédateur illimité, équivalent au mâle alpha dans les meutes de loups. Cette attitude favorise les subalternes prêts à vendre leur âme au diable, tout au moins, à leur chef.

Le principe de Peter, conséquence d’une méritocratie

Laurence J. Peter, pédagogue canadien spécialiste de l’organisation hiérarchique, explique en 1970 que les promotions s’obtiennent selon les compétences techniques au poste du moment. Les avancements représentent finalement plus une reconnaissance d’un état actuel qu’une projection sur l’avenir.

Il énonce deux postulats :

  1. un employé compétent est promu au niveau hiérarchique supérieur ;
  2. un employé incompétent n’est ni promu ni rétrogradé.

Le salarié (grenouilleur ou pas), motivé par ses nouvelles fonctions, se forme et répond aux attentes de ses chefs. Mais voilà, ce système à ses limites : précisément le plafond de compétences de l’intéressé, notamment en matière de management. Maîtriser son poste et prendre les commandes du service n’appelle pas les mêmes qualités. Le plafond de verre atteint, le collaborateur stagne à un niveau de responsabilités qu’il ne remplit pas efficacement. En toute logique, arrive le moment où les fonctions ne sont plus tenues que par des incompétents, au détriment des performances de l’entreprise.

Ce principe fut confirmé par l’étude de David Dickinson et Marie-Claire Villeval en décembre 2007 : The Peter Principle.

Notre grenouilleur se retrouve rapidement à un poste où il est incompétent, saisissant au vol l’opportunité de grimper d’un échelon sans se soucier de ses réelles capacités.

Le principe de Peter
Schéma du principe de Peter

LEADERSHIP ANTI-AFFAIRISME

Comment éviter le grenouillage dans son entreprise ? Vous l’avez compris, la méritocratie engendre des comportements délétères qui nuisent à la qualité de vie au travail. Les employés doivent être lisses, voire faire preuve de panurgisme. « Point de contrariété, mais de docilité », vous montrerez, murmurent sans cesse ces néo-managers.

INTELLIGENCE COLLECTIVE ET INNOVATION

À l’inverse, un leader qui cultive le « oser dire » et favorise l’intelligence collective verra ses équipes réfléchir, se contredire, noircir des tableaux entiers de nouvelles idées. Les imaginations se libèrent, les discussions s’animent, les suggestions fleurissent. Bref, l’innovation prend sa place au sein d’un groupe solidaire et large d’esprit. Welcome to our intelligent world !

Le manager n’est plus directif, mais fédérateur. Il encourage chacun à capitaliser sur ses points forts et laisse les tâches se répartir naturellement. Il ne focalise plus ses collaborateurs sur des objectifs personnels et anxiogènes, mais sur les enjeux de la mission.

Les softs skills prévalent : écoute, empathie, autonomie sont autant de qualités que le manager montre, valorise et favorise.

On entre alors dans un système organique et naturel, le paradigme « opale » de Frédéric Laloux. Basé sur le principe que les ressources sont rares, cette logique systémique mise sur la confiance. Chaque individu apporte ses compétences douces, ses forces, émotions et faiblesses, mais sans nourrir son égo. À l’instar d’un être vivant, l’organisation se suffit et se révèle à elle-même.

INCLUSIVITÉ ET DIVERSITÉ

Pour sa part, Laurent Depond, auteur à l’Institute of Cognitivism, propose l’inclusion comme facteur de performances et de qualité de vie au travail. Avec la diversité, elle comble naturellement les lacunes d’une gouvernance grégaire où chacun se bat pour sa survie. Précisément, là où les grenouilleurs, désormais requins, nagent en eaux claires.

Pour lui, le respect de l’unicité de chacun est la clé pour mettre en avant les moins assertifs et améliorer les capacités cognitives des plus discrets. 

Cette mixité de cerveaux accroît les interactions au service de la créativité, de l’agilité et de la motivation. On ose les termes d’efficacité et d’intelligence collectives harmonieuses. What else ?

Selon Laurent Depond, « une barrière composée, c’est l’équité, une barrière supprimée, c’est l’inclusion ».

Chaque collaborateur comprend qu’il est attendu et entendu. Le débat est sain et productif. Des équipes managées selon cette logique empêchent, de facto, toute attitude de grenouillage. Nous sommes loin d’une ambiance de flagornerie.

DEVENIR BIG BOSS SANS ÉCRASER LES AUTRES : 5 ÉTAPES POUR UNE ASCENSION PROFESSIONNELLE SAINE

1 – CONNAISSEZ-VOUS, VOUS-MÊME

Socrate l’avait déjà conseillé, il y a 2 500 ans. Pierre Bultel, expert de l’Association Progrès du Management, le répète. Il faut savoir regarder la réalité en face et cela commence par la connaissance de soi.

Faites preuve d’humilité et acceptez vos lacunes. Identifiez votre marge de progression et l’objectif qui vous rendra vraiment heureux. Une fois que vous avez clarifié votre besoin, soit vous vous formez pour pallier vos failles, soit vous demandez de l’aide ou sous-traitez.

2 – FOCALISEZ-VOUS SUR VOTRE VRAIE MOTIVATION

Identifier votre poste idéal vous permet de vous engager en pleine conscience. Naturellement, vous mobilisez vos ressources et mettez votre bonne énergie dans ce projet porteur de sens pour votre vie professionnelle. Une fois votre Ikigaï clarifié, plus rien ne vous arrêtera. Vos collègues autrefois adversaires deviennent désormais de simples collaborateurs. Vous connaissez votre unicité, la compétition n’a plus d’intérêt à vos yeux.

En tant que futur leader, pensez partenariat et non plus rivalité.

3 – PRENEZ DES INITIATIVES

Le courage managérial est une soft skill dont vous ne pourrez vous passer. Il commence par la responsabilité vis-à-vis de soi, affirme le magazine Forbes. Maîtriser ses zones d’inconfort et identifier ses axes de progrès vous aide à prendre des décisions difficiles. Vous pourrez ensuite développer votre sens des responsabilités vis-à-vis d’autrui.

Osez dire non et argumentez votre position. Si votre avis n’est pas retenu, ne le prenez pas contre vous. Si vous devenez un Boss, votre discours sera sans cesse écouté, analysé, critiqué (au sens positif ou négatif). Autant vous y préparer.

Il y aura certes des loupés, mais vous gagnerez en confiance et en estime de vous. Vous susciterez le respect.

4 – PENSEZ EXTERNE

Bruno Serez, associé du cabinet Transearch, conseille de parler franchement à son N+1 (voire au-dessus). L’idée est de savoir si votre démarche est envisageable dans votre entreprise. Si ce n’est pas le cas, développez votre réseau, rapprochez-vous de clubs de managers ou dirigeants (selon votre ambition) et soyez à l’affût des opportunités. Vous évitez ainsi d’inutiles guerres de clans, peu accueillantes pour les nouvellement promus.

5 – LISEZ 

Voici 3 ouvrages recommandés par Inc. pour booster votre carrière. Ne nous remerciez pas, c’est cadeau.

  • The Pathfinder de Nicholas Lore vous aide, avec des tests d’auto-évaluation, à trouver un cheminement professionnel qui vous comble  ;
  • Pouvoir illimité de Robbins pour gagner en confiance et en leadership ;
  • Comment se faire des amis et influencer le monde de Dale Carnegie vous apprend comment rayonner en société.

« Soyez patient, apprenez », conseille Éric Vincent, dans ses Fabuleuses Fables Managériales.

Devenir calife ne se fait pas nécessairement à la place du calife. Le grenouillage est désuet dans les entreprises du XXIe siècle. Les leaders 4.0 rayonnent aussi par leurs facultés à faire briller les autres. Le monde du travail se veut coopératif, collaboratif et porteur de sens. Il est en route vers plus d’inclusivité, un univers où chacun trouve sa place sans besoin d’intrigues. À bon entendeur, Messieurs Dames les grenouilleurs !

 Le saviez-vous ?

L’expression « grenouiller » vient de l’Ancien Régime. Les vassaux devaient faire taire les grenouilles pour permettre au Seigneur de bien dormir. Par extension, au lieu de travailler, mieux vaut satisfaire son chef.

Autres sources

Cadremploi

Hellowork

Indeed

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