Michel, l’homme de l’évènement aux petits oignons
Quel est l’élément commun (et incontournable) de n’importe quel événement ? Le traiteur ! En France, on ne blague pas avec la nourriture. Et Michel en sait quelque chose. Directeur du pôle « réceptions et évènements » chez un grand traiteur parisien, il est celui qui doit à la fois régaler les papilles mais aussi s’adapter au déroulé de l’événement, au lieu, aux tendances culinaires et aux exigences du client. Du Grand Prix de Formule 1 à Monaco en passant par le « Bal de l’X » ou un réveillon au dernier étage d’une tour en construction, Michel a raconté à Volcanic son quotidien sans pétage de plombs, bien différent de celui de Jean-Pierre Bacri dans Le sens de la fête.
« Je suis un pur produit de l’évènementiel »
Il y en a qui tombe dans la marmite de potion magique tout petit. Michel, c’est dans un pétrin qu’il est tombé. Tout petit, et d’aussi loin qu’il se rappelle, il voulait être boulanger. Mais il se dit que ne faire que du pain peut être lassant alors dès la classe de 3ème, c’est vers la cuisine qu’il se tourne. Plutôt que d’opter pour un bac professionnel, Michel choisi de rester dans une filière générale pour intégrer ensuite une école générale de cuisine française. Ça sera l’école Ferrandi. Il y découvre évidemment la production mais également le commerce et l’univers du traiteur. C’est à ce moment qu’il se dit qu’il existe un monde en dehors des 4 murs d’une cuisine, et que c’est celui-là qu’il a envie de découvrir. Si aujourd’hui il n’est plus derrière un fourneau, sa formation et ses premières expériences constituent un prérequis indispensable pour être crédible auprès de ses clients. « Je dois savoir comment c’est fait, quels sont les produits utilisés pour pouvoir l’expliquer au client ».
Mais ce qui est dans l’assiette n’est qu’un aspect de son travail. « On se souvient toujours de ce que l’on mange. Mais un traiteur évènementiel doit également comprendre et accompagner son client. Quelle image souhaite-t-il véhiculer ? Quelles sont ses valeurs ? Quelle est la thématique de l’événement, son déroulé ? Dans la restauration on travaille des aliments frais, des cuissons. On n’a pas le droit à l’erreur. Le choix du lieu a également un gros impact sur notre travail ».
« Côtoyer des publics et des lieux que je n’aurais jamais pu côtoyer autrement que par mon travail »
En 15 ans d’expérience, Michel a participé à de très nombreux évènements, en province comme à Paris, dans des endroits très différents et insolites. Et certains l’ont marqué plus que d’autres. Un des premiers qu’il a dû gérer : un réveillon privé au 32ème (et dernier) étage d’une tour encore en construction à La Défense. « L’immeuble n’était pas terminé. Pas d’ascenseur donc je suis monté via un monte-charge extérieur fermé avec des lattes en bois. Je me souviens qu’on voyait le sol à travers ». Et une fois en haut l’environnement n’est pas plus sécurisé. « Il a fallu mettre l’électricité, bâcher les ouvertures car il n’y avait pas de fenêtres. Dans le sol il y avait des trous, pour les différentes conduites et ils n’étaient pas bouchés. Nous avons utilisé nos containers pour les boucher et éviter qu’un des invités ne tombe ». Pour le menu, compte tenu de la température qui ne dépassait pas beaucoup les 10° malgré le chauffage d’appoint allumé, j’avais prévu un menu montagnard, et du vin chaud. Tout s’est bien passé. Et les convives sont restés jusqu’à 3h du matin sans avoir froid ».
Il a également eu des évènements sportifs, comme les 24h du Mans, ou le Grand Prix de Formule 1 de Monaco. Pour ceux qui l’ignorent, ce dernier se déroule en ville. Il n’existe donc pas de structure spécifique dédiée à l’accueil et à la réception du public. Ce sont donc des particuliers qui louent leur appartement le temps du Grand Prix. Un appartement de 4 ou 5 pièces, qui accueille en temps normal 3 ou 4 personne est habituellement loué pour 100 personnes ! Pour Michel l’enjeu est de taille : organiser simultanément des repas (ou cocktails) dans des lieux inadaptés, et disséminés un peu partout en ville (environ une quinzaine). Chaque appartement doit évidemment être rendu à son propriétaire dans son état d’origine. « Un jour le lendemain du grand Prix l’agence qui faisait appel à nous nous a appelé. Le stuc d’un appartement, qui venait d’être refait à neuf, était fendu sur toute la longueur. Elle souhaitait savoir ce qui s’était passé. En fait cela n’avait rien à voir avec nos prestations car tout s’était très bien passé. C’était dû aux vibrations. Pendant la course tout Monaco vibre. Et cet appartement était situé dans une zone d’accélération. Le stuc n’étant pas tout à fait sec, il a craqué ». Michel garde un excellent souvenir de ses participations au Grand Prix de Monaco même si les conditions de travail étaient difficiles. « Le bruit et les vibrations sont omniprésents. Tout doit être installé plusieurs heures. Ensuite, la ville est bouclée. Pendant la course les ascenseurs sont arrêtés, à cause des vibrations. C’est donc très fatigant. Et comme il faut passer plusieurs jours sur place pour tout installer, c’est également très coûteux. A notre deuxième participation j’ai décidé de louer 2 villas avec piscine un peu à l’extérieur, pour toute l’équipe. Cela nous a permis de profiter de vrais moment de détente et de convivialité après le travail. Alors qu’à la fin du premier Grand Prix les maître d’hôtels ne souhaitaient pas y retourner, dès la fin de la seconde édition ils réclamaient tous de pouvoir recommencer l’année suivante. Ils contactaient même en direct les clients pour réserver leur place, ce qui n’arrive jamais ! ».
S’il devait citer un autre événement où la logistique traiteur était particulièrement tendue, Michel choisirait le « Bal de l’X » (ou Bal de l’École Polytechnique) au Château de Versailles. Fiche technique de l’événement : environ 1400 personnes avec des statuts (VIP, Ultra VIP) différents et donc des parcours différents dans plusieurs lieux (salon privatif du château, Galerie des Batailles, Orangerie…) ainsi que des prestations différentes, le tout sans embouteillage ! « Nous avions une heure pour démonter un repas assis pour 750 personnes et installer une soirée dansante open bar pour 1400. Un feu d’artifice était prévu pour que les gens sortent. Mais il a plu et tout le monde est rentré au bout d’une demi-heure. J’avais prévu ce genre de problème avec la logistique et nous avons réussi, ce qui est sans doute un record ».
« Si un évènement est bien préparé, on peut tout prévoir »
Si Michel reste toujours calme, c’est qu’il met systématiquement en place en amont une gestion extrême des risques. Son œil est affuté et ne laisse rien au hasard, le lieu comme les alentours ou les prestataires. « On peut toujours avoir besoin de matériel complémentaire, comme des boissons si les invités boivent un peu plus que prévu. Et pour trouver une supérette d’ouverte en cas d’urgence il y a Google ».
Anticiper, garder toujours la tête froide – même lorsque 800 personnes décident de frapper sur leurs assiettes pour faire grimper un applaudimètre – sont les prérequis au métier de Michel. « Dans la restauration on travaille sans filet, on mange à une heure donnée ». Mais aujourd’hui, au-delà de s’inscrire dans un timing précis, il faut également accompagner le client, le conseiller. Comme dans de nombreux secteurs, « l’uberisation » est passée par là et les contraintes sont nombreuses. Concurrence affutée, temps de conception raccourci (« Il y a encore 10 ans un événement pour 1000 personnes se préparait un an à l’avance. Aujourd’hui certains clients nous donnent leur réponse seulement une semaine avant »), contraintes budgétaires, RSE…Les obstacles sont nombreux mais Michel y voit plutôt une opportunité, celle de se renouveler en permanence. « A Paris il faut jongler avec les lieux. Leur nombre est limité et on ne peut pas pousser les murs. C’est l’une des raisons pour lesquelles la formule cocktail dinatoire représente aujourd’hui 80% des demandes, contre 40% en Province. Mais attention, on doit quand même ne pas avoir faim en sortant. Et la qualité doit être au rendez-vous comme pour un repas assis. Les entreprises sont très attachées à la provenance et à la qualité des produits. On privilégie les circuits cours, ou le commerce équitable lorsque cela n’est pas possible, par exemple pour le café qu’on ne trouve pas en France. Les clients souhaitent également que les évènements soient moins formels, plus conviviaux, d’où le succès des cocktails ».
Et le plaisir dans tout ça ? Pour Michel, il se trouve dans le résultat immédiat de son travail. Inutile d’attendre un débrief plusieurs jours après un événement, il sait dans l’instant si les clients sont satisfaits ou non. Et pour s’en assurer il se mêle incognito aux invités et leur demande comment ils ont trouvé le repas, si tout s’est bien passé. Des heures de préparation qui se jouent en quelques minutes. Effrayé Michel ? Non, il trouve ça magique. « Je n’ai jamais connu d’événement qui se soit mal passé. Il y a toujours une solution ».
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